«Les poumons que j’ai reçus sont si grands qu’ils sont rassurants»

Août 14, 2017 | presse, voyage

Atteint de mucoviscidose, ce Bagnard a été greffé des poumons en 2010. Il vient de gravir le Kilimandjaro pour exprimer sa reconnaissance en la vie.

A 35 ans, Michel Stückelberger est prêt à renverser des montagnes. Lui, mieux qui quiconque, connaît le prix inestimable de la vie. Atteint de mucoviscidose, ce Bagnard a reçu, il y a quelques années, deux nouveaux poumons. «Ils sont si grands qu’ils sont rassurants», confie-t-il en posant sa main gauche sur le torse. Comme pour mieux protéger le cadeau de son donneur.

C’est avec un nouveau souffle qu’il a ainsi pu gravir le Kilimandjaro, culminant à 5895 mètres (voir encadré ci-dessous) il y a quelques jours. «Ce n’était pas une obsession pour moi de grimper ce sommet, mais cela me tenait à cœur au niveau de la symbolique. Surtout pour sensibiliser les gens au don d’organe. C’était une forme d’immense reconnaissance envers la vie, la famille, le corps médical et mon donneur», explique-t-il d’une voix douce.

Prise de conscience à 10 ans

Sans ses nouveaux poumons, le trentenaire ne serait déjà plus de ce monde. «Je me souviens avoir pris conscience à 10ans que la vie allait être courte pour moi. Le savoir m’a en quelque sorte libéré et permis de vivre pleinement les choses.» Dès son enfance, Michel Stückelberger se bat comme un lion pour résister à la mucoviscidose, assumant de lourds traitements quotidiens. «C’est une maladie très ingrate, car il faut donner beaucoup pour juste pouvoir survivre.» En 2009, il doit pourtant déposer les armes lors d’un voyage à vélo au Mexique. «A partir de là, cela a été un grand déclin irrémédiable.»

Trois mois aux soins intensifs

Les médecins font alors tout pour préserver «ce qui pouvait l’être». Mais la santé de Michel Stückelberger dégénère de jour en jour. Le Valaisan passe trois mois pénibles aux soins intensifs, en étant inscrit sur la liste urgente des personnes devant recevoir un organe. «C’était très dur; je ne savais pas si la vie reviendrait. A 30 ans, on n’a pas envie que cela s’arrête. Mais cela prenait une mauvaise tournure», confie-t-il. Un moment de son existence marqué au fer rouge. «J’en ai gardé un trauma. Depuis ma greffe, je n’ai plus eu besoin de retourner aux soins intensifs, mais je ne sais pas comment cela se passera si je dois y retourner un jour», avoue-t-il, ému.

Avant de plonger Michel Stückelberger dans le coma, les médecins lui demandent s’il est d’accord d’être transplanté. «Je n’en avais jamais beaucoup parlé avant. Mais, là, la transplantation était comme une évidence. J’ai signé.» Quelque temps plus tard, un donneur lui permet de recevoir deux poumons en pleine santé. La greffe ne signifie cependant pas transformation immédiate et magique. «J’ai dû faire face à de nombreuses complications. J’avais perdu quinze kilos, je n’avais plus aucune force. Peu à peu, la force de vie est revenue avec la volonté de regagner de l’autonomie.» Au fil des mois, il peut reprendre le sport, dont le vélo. «Cela m’a redonné confiance. J’en avais besoin, car tout ça déstabilise.»

Du temps pour apprivoiser ses nouveaux organes

Michel Stückelberger met un an pour apprivoiser ses nouveaux organes. «Je connaissais tellement bien mes poumons malades que j’ai dû apprendre à sentir fonctionner des poumons sains.» Les premiers temps, la moindre alerte l’angoisse. Puis, la sérénité revient. Depuis sa greffe, il a vécu une seule grosse alerte en 2016 avec un rejet lymphocytaire. «Mais cela a tout de suite été pris en main par les médecins.» Le trentenaire doit cependant rester très prudent, particulièrement en cas de virus autour de lui. «Dès qu’il y a un risque, il y a toute une armada médicale pour me protéger.»

La confiance en lui et en la vie retrouvée, le Valaisan évoque la paternité avec sa compagne. «Nous nous sommes posé beaucoup de questions. Etait-ce égoïste de mettre au monde des enfants?» Sa conjointe, médecin de formation, étudie les risques de donner la vie à des enfants atteints de la mucoviscidose. «Le risque était infime. S’il avait été trop présent, nous aurions renoncé à être parents.» Le couple décide donc de tenter l’aventure. «C’est en faisant crédit à la vie qu’elle nous le redonne, la plupart du temps, et même, en plus généreux», confie le Bagnard.

Un papa comblé

Il y a deux ans et demi, le couple accueille des jumeaux Alexia et Mathias en pleine santé. Depuis lors, Michel Stückelberger est 100% papa au foyer. «Je vis des moments intenses et privilégiés avec eux. Je me rends compte de ma chance.» Parfois, le trentenaire avoue éprouver de «grands vertiges» quand il pense à l’avenir. Avec une certaine gravité par rapport à ses enfants. «Je me dis qu’il faut que ma santé continue à aller bien pour que je puisse les voir grandir le plus longtemps possible. Mais c’est aussi à moi de faire en sorte que cela aille bien en prenant des risques raisonnables», confie-t-il, laissant soudain la place à l’émotion. A ses enfants, il aimerait transmettre «la confiance en la vie et aux gens. Surtout pas la peur de l’Autre ou de la différence», conclut-il le regard lumineux.

Il a mis six jours pour arriver au sommet du kilimandjaro culminant à 5895 mètres

En septembre dernier, Michel Stückelberger avait gravi le Mont-Blanc; cet été, il a décidé de gravir le Kilimandjaro culminant à 5895 mètres. Il aura fallu neuf jours, dont six d’ascension, pour que le trentenaire et son meilleur ami Vincent Bircher atteignent le sommet. Si la plupart de son entourage le décourageait de partir dans cette aventure, Michel Stückelberger a écouté son ressenti. Il a mis toutes les chances de son côté en se préparant physiquement et médicalement. «Le but était que je revienne vivant. J’étais prêt à abandonner si ma santé se détériorait. C’était un contrat de confiance conclu avec ma compagne. Mon but est de prendre soin du don qu’on m’a fait et d’en être digne.» Pendant l’ascension, le Valaisan a dû vaincre fatigue et froid. «C’était assez pénible dans les campements; j’ai résisté même si j’ai perdu deux kilos.»

Pour le Valaisan, cette ascension est aussi le moyen de militer encore pour le don d’organe. «J’ai appris que les gens ont huit fois plus de possibilités de recevoir un organe que d’en donner.»

Lire cet article au format PDF : Le Nouvelliste # 14 août 2017 # Christine Savioz

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