portrait
MICHEL STÜCKELBERGER
Je suis né le 15 juin 1982 à Bagnes, en Valais. Pendant presque 30 ans la mucoviscidose m’a mené la vie dure. J’ai d’ailleurs frôlé la mort avant d’être transplanté le 13 février 2010. C’est le début de ma deuxième existence. Voilà comment j’envisageais la suite de l’aventure après m’être rétabli.
Michel
Les deux ailes de Michel, le pignon voyageur – Sarah May dans L’Echo du 28 avril 2011
Depuis un an, Michel Stückelberger a trouvé un second souffle. Greffé des deux poumons, le jeune Valaisan établi à Genève participera en juin à ses premiers Jeux des transplantés. Cycliste chevronné, il s’apprête à rallier la Suède à vélo. Récit d’une belle échappée.
Dévorer le bitume, Michel Stückelberger aime ça.Les lacets menant au sommet du Salève ont été vite avalés. Une bonne mise en jambes pour le sportif au regard céruléen déjà prêt au départ. 1’338 km, c’est la distance séparant Genève de Gôteborg, théâtre des prochains Jeux mondiaux des transplantés. Fidèle à son destrier de carbone, Michel les parcourra à la seule force de ses mollets. Plus qu’une performance, une philosophie de vie pour le jeune transplanté.
UN BATTANT CONQUÉRANT
A presque 29 ans, le Verbiérain d’origine sait le prix de l’effort. La mucoviscidose, cette maladie génétique encore incurable, ne lui a pas laissé le choix. S’il voulait vivre, il devait se battre contre ce mal insidieux obstruant peu à peu ses poumons. Séances quotidiennes de physiothérapie respiratoire, prises de compléments alimentaires et cures régulières d’antibiotiques en hôpital ont rythmé son enfance et son adolescence.
Pourtant, la maladie, Michel en a d’emblée refusé la fatalité. La sournoise lui imposait des limites? C’était pour mieux les transcender. Il a dix-sept ans quand il conquiert à mobylette la Ville Lumière accompagné de Vincent Bircher, son ami de toujours. Ce sera Moscou et sa Place Rouge l’année suivante. 5’000 kilomètres à moto pour une errance aux accents solidaires: les deux aventuriers reviennent avec 10’000 francs dans leur besace en faveur du Groupement du Valais romand mucoviscidose (GVRM).
En 2002, le cap Nord les magnétise. Ils rallient le point le plus septentrional du globe en quatre mois sans moteur, poursuivant leur fructueuse collecte. Rouler en tandem devient une évidence pour les deux Bagnards jamais à court de projets. Traverser l’Amérique du Nord au Sud, le défi paraît insensé, la maladie imposant à Michel un lourd traitement. Mais rien ne les arrête. Pour donner corps à son rêve américain, l’assistant en pharmacie enchaîne les petits boulots comme les ascensions: les 26 cols les plus hauts de Suisse, il les gravit en un été!
LE NOUVEAU MONDE
Mai 2008: les amarres sont enfin larguées. Les acolytes débarquent à Prudhoe Bay, à l’extrême nord de l’Alaska. Si le froid mordant et les routes gelées ralentissent la progression, les organismes ont tout loisir de s’adapter à la vie de nomade sur deux roues. Le temps s’étire, prenant la mesure des vastes espaces canadiens et californiens qui longent le Pacifique. En six mois, le duo est aux portes de l’Amérique centrale.
Mais la poussière et la pollution ont corrodé la belle mécanique huilée à l’amitié. Les feux sont au rouge pour MicheL contraint de mettre pied à terre au Mexique à l’approche des 10’000 kilomètres. Hospitalisé en Suisse en avril 2009, il voyage alors par la pensée, dans la roue de Vincent qui pédale avec une ardeur décuplée. Mais la maladie poursuit son travail de sape et la greffe pulmonaire s’impose bientôt comme le traitement de la dernière chance pour Michel, plongé dans un profond coma. «C’est mon amie Paula qui a signé les formulaires pour la transplantation. Tout le monde y a cru jusqu’au bout, je me suis senti porté!»
D’UNE VIE À L’AUTRE
Ressuscité! Le terme n’est pas trop fort quand on connaît la difficulté de trouver un donneur. La date du 13 février 2010 restera à jamais gravée dans son coeur: pour la seconde fois, il a reçu la vie! Un don qui dépasse l’entendement humain. «Ce jour-là, une personne a sublimé la valeur générosité», écrit-il sur son blog*’, véritable carnet de bord des ses chevauchées au long cours. Un anonyme dont le jeune homme connaît aujourd’hui le visage par le hasard de recoupements et un patient travail d’enquête. «Ca m’a fait du bien de voir sa photo», explique-t-il dans un sourire. Ecrire à sa famille pour lui dire sa gratitude? L’heureux receveur redoute d’être intrusif. «Ca n’enlèvera jamais la douleur d’avoir perdu un être cher.»
Sa reconnaissance infinie, il a choisi de la traduire en promouvant le don d’organes. Pour que d’autres après lui puissent connaître une seconde naissance. En pensant à Damien, son compagnon de chambre fauché par la mucoviscidose à tout juste 22 ans, Michel s’indigne. «La pénurie actuelle n’est plus soutenable, il faut changer le système. On est dans l’urgence. Il n’est plus temps de discuter, il en va de la vie de centaines de patients!»
UN DÉFI SPORTIF ET HUMAIN
Participer aux Jeux mondiaux des transplantés? Une manière active de sensibiliser le grand public à la cause. Du 17 au 24 juin, Michel sera un athlète comme un autre à Gôteborg. Avec deux poumons tout neufs, il s’essaiera au vélo trial, au sprint et même à la course à pied sur cinq kilomètres. Seize mois seulement après sa greffe. «C’est peut-être un peu tôt, mais ma motivation n’en est que plus grande.» Plus que le chronomètre, c’est le défi humain qui le titille. «Tous les âges et toutes les pathologies seront représentés avec la même envie de partager», s’enthousiasme le sportif, toujours avide de rencontres. La délégation suisse sera l’une des septante fédérations présentes à ces joutes mondiales organisées tous les deux ans depuis 1978. Leur impact sur le nombre de dons est réel avec une hausse de 30% constatée dans les régions hôtes. Parrainée par le prince Daniel de Suède, lui-même transplanté d’un rein, cette 18ème édition n’entend pas faire exception.
SAGESSE AU GUIDON
«Mais Göteborg, c’est encore loin», met en garde le citoyen du bout du lac, trop conscient des aléas de la route. Car la vie d’un transplanté a des allures de grand huit avec ses moments d’euphorie et ses moments de doute. Dans ses sacoches, il emmènera ses médicaments anti-rejet. Un arsenal thérapeutique indispensable à la bonne prise de la greffe. «La médecine a fait d’énormes progrès, mais l’immunité n’a de loin pas livré tous ses secrets», constate le futur étudiant en radiologie, les yeux rivés sur la Scandinavie
Durant les deux mois que durera le périple, Michel se mettra au diapason de ses poumons en ne parcourant pas plus de 40 à 50 kilomètres par jour. «Il faudra que je les écoute, ils sont ma vie!».
Sarah May
TEMOIGNER
Depuis que je vis avec les poumons de quelqu’un d’autre, il ne m’a jamais paru aussi important de témoigner sur ma maladie et les solutions pour la combattre. Faire avancer la cause de la transplantation est un sujet qui me tient particulièrement à coeur.
MES PASSIONS
PEDALER
TRANSMETTRE
GRAVIR
Toucher le ciel
Voici quelques photos de Michel au sommet de l'Aconcagua. Derrière son sourire il y a eu apparemment beaucoup de souffrance et d'abnégation. Il nous en dira plus une fois rentré.
VIVRE A FOND