La greffe et le vélo l’ont sauvé

Mar 21, 2013 | presse, transplantation

Parler du don lui semble «un impératif, une néces­sité et une chance». Mi­chel Stückelberger vit de­puis trois ans grâce à une double greffe des pou­mons. La vie de cet étu­diant de la Haute Ecole de santé a telle­ment touché certains élèves qu’ils ont organisé une action de sensibilisation autour de son témoignage. La semaine dernière, le grand public a pu rencontrer le jeune homme, ainsi que d’autres trans­plantés, des spécialistes et des familles de donneurs. L’objectif? Provoquer la dis­cussion et faire réfléchir au don d’organes.

La mission est ambitieuse dans un pays qui se situe parmi les derniers d’Eu­rope en la matière. La faute à une législa­tion restrictive, qui n’autorise le prélève­ment qu’en cas de consentement expli­cite ou d’autorisation formelle de la fa­mille. Or, rares sont les gens qui font connaître leur volonté de leur vivant. «Et quand une mort violente survient, la fa­mille refuse généralement le prélèvement si le sujet n’a pas été abordé auparavant», observe Nadine de Carpentry, coordina­trice de don et de transplantation aux Hôpitaux universitaires de Genève. D’autres pays, comme l’Espagne, appli­quent le principe du consentement pré­sumé: si la personne ne s’est pas opposée au don de son vivant, la greffe est a priori possible. Résultat: l’Espagne enregistre 38 donneurs par million d’habitants quand la Suisse en compte 12. En 2012, 53 personnes sont mortes dans l’attente d’une greffe.

«Une seconde chance»

«La vraie chose qui fonctionne, c’est la discussion, estime Michel Stückelberger. Il faut parler aux gens. Leur dire qu’ils ont huit fois plus de chances d’être un jour en position d’attendre un organe que d’en donner un. Leur expliquer aussi qu’on ne va jamais sacrifier une vie pour prélever des organes. Tout est fait pour maintenir la vie au maximum. Les possibilités pour prélever un organe sont très rares.»

Il y a trois ans, les conditions ont été réunies pour Michel Stückelberger. Il était moins une. Atteint de mucoviscidose – une maladie génétique mortelle – le jeune homme est dans le coma lorsqu’il reçoit, in extremis, deux nouveaux poumons. «Une seconde chance», dit-il sobrement. Le trentenaire raconte une enfance valai­sanne rythmée par les traitements lourds, les cures d’antibiotiques et les hospitalisations. «Les soins quotidiens durent des heures, simplement pour se maintenir, mais le déclin est inéluctable. Le mucus finit par détruire le poumon.»

Médaille d’argent en 2012

Malgré la maladie, l’adolescent suit un par­cours scolaire «assez bien balisé» et multi­plie les voyages. «Je me disais: à quoi bon travailler, puisque je n’ai pas d’avenir?» A 20 ans, Michel parcourt 7000 km à vélo pour relier le cap Nord à la Grèce. Un an plus tard, toujours à vélo et seul, il franchit les «26 plus hauts cols de Suisse». Autre défi en mai 2008: avec son meilleur ami, il réalise un rêve, un voyage à vélo entre l’Alsaska et Ushuaia. La grippe A s’inter­pose. Durement atteint, le cycliste est ra­patrié en Suisse. Hospitalisé huit fois, admis aux soins intensifs. «Il n’y avait plus aucune perspective, aucun traitement qui n’arrive à bout de l’infection. Au début de 2010, j’étais dans le coma.» La greffe lui sauve la vie. «La greffe, et le vélo», ajoute le sportif. Lui qui, après l’épreuve, a vu fondre tous ses muscles, se remet au sport. Depuis l’opération, il a parcouru près de 10 000 km. Aux Jeux européens des trans¬plantés en mai 2012 aux Pays-Bas, il remporte une médaille d’argent en cyclisme.

«Cinq ans après la greffe, le taux de survie est de 50%. L’avenir reste incer-tain», rappelle-t-il, tout en souriant à l’idée du tour d’Islande à bicyclette qu’il projette cet été: 1400 km en trente-cinq jours, seul, avant d’être rejoint par son amie. «La soli¬tude que l’on a choisie fait du bien. Elle offre le plaisir d’observer et du temps pour réfléchir.»

Michel Stückelberger Bio express

15 juin 1982 Naît à Bagnes, en Valais.
2000 II part de Verbier pour Moscou à moto. «Mon premier désir d’évasion.»
2002 Parcourt 7000 km à vélo du cap Nord à la Grèce.
2003 Franchit les 26 plus hauts cols de Suisse à vélo, seul.
Mai 2008-janvier 2009 Relie l’Alaska à Mexico City. Rapatrié en Suisse.
Mars 2010 Reçoit une double greffe des poumons. En juin, il passe sa maturité: «J’aime finir ce que j’ai commencé.»
2012 Jeux européens des transplantés.
2013 Projette un tour d’Islande à vélo.

Lire cet article au format PDF: Tribune de Genève # 21 mars 2013 # Sophie Davaris

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