« Moyen de locomotion physique, certes, la bicyclette est surtout un moyen de locomotion de la conscience. Le principe vélosophique de base : étant tout corps placé sur un vélo voit son regard sur le monde déplacé. »
Didier Tronchet
Dimanche 21 septembre, 14h20. Remplis de bonheur, d’excitation et avec en « slideshow » dans nos têtes des images de la route déjà parcourue, les neufs lettres de « Vancouver » s’impriment à nos yeux embuées d’émotion. Quasiment 5 mois après le coup d’envoi de l’aventure Muco-Velo, les hautes tours de cristal qui ornent la baie et surplombent l’horizon nous saisissent entièrement. C’est par le pont du Lions Gate que la ville dévoile son caractère : énormité, hyperactivité, pure urbanité! Elle nous domine de toute sa hauteur, mais nous accueille chaleureusement grâce à un soleil radieux (assez inhabituel pour Vancouver…). Immanquablement et un peu comme pour prendre congé de l’immensité boisée du nord, sitôt arrivés, nous nous jetons dans l’eau fraiche de l’océan Pacifique. Pour manifester sa joie, Paula pourtant si frileuse, s’élance elle aussi à corps et à coeur perdu dans cette étendue d’eau la plus vaste du monde. Le sel qu’elle contient pimente d’autant plus cette journée au gout si unique! Embrassades, accolades, congratulations, tout y passera ce jour-là pour marquer cette première victoire; nous sommes heureux!!!
Avant d’en arriver là et finir en beauté cette étape, remontons un peu le temps ensemble. Si ! Si ! c’est faisable, en voyage tout devient possible. Donc, retour à Prince George, à 1’100 kilomètres en « amont », en plein cœur de la Colombie Britannique. Bouillonnants d’impatience après une dizaine de jours « d’inactivité active », nous rejoignons en trio le tumulte des bords de route, paradoxalement si rassurants. Paula, qui a fait l’acquisition d’un nouveau bike dans cette ville, donne ses premiers coups de pédale. Ces nouvelles sensations si différentes de son quotidien, d’abord peuplées d’une légère appréhension, se transformeront rapidement en un plaisir immense et une joie de vivre intense. Bravo pour ta persévérance!
La rivière Fraser, longue de 1’300 km, se jette dans l’océan Pacifique à hauteur de Vancouver. L’itinéraire emprunté la suivra sur une bonne distance jusqu’à la petite ville de Clinton. Ensuite, histoire de reprendre un peu de hauteur, nous nous engageons sur la See to Sky Highway. Le nom qu’elle porte parle de lui-même. Difficile de mettre des qualificatifs tant la beauté des paysages découverts sur moins de 400 km à travers cinq décors nous a impressionné : plateaux semi-désertiques, canyons, lacs d’altitude, montagnes. Ce tracé a fait l’effet d’un redynamisant, une sorte de shot multivitaminique. Beaucoup de montées récompensées par de belles descentes…
Après une grimpette de 5 km à 14%, nous basculons dans un environnement plus aride. La ville de Lillooet en est d’ailleurs l’exemple puisqu’en 1944, c’est à cet endroit qu’a été enregistré la température la plus élevée du Canada, 44 degrés Celsius. Pourtant, nos nuits redeviennent fraîches et les jours déclinent rapidement. Ces derniers temps, au lever, le thermomètre du compteur peine à afficher des températures positives. Les habits chauds laissés au fond des « armoires » refont leur apparition. Un soir, en quête d’une bonne douche, nous vendrons notre force de travail en proposant de nettoyer les vitres de l’établissement en échange d’une place dans le camping. C’est gagné, la proposition, après avoir bien fait rire la tenancière est acceptée. Formule deux en un : douche + camping.
Pemberton aura été un imprévu des plus heureux sur cette descente puisque Olivier, Léo, Mathieu, Vincent, Véro et Chad nous ont accueillis durant plus d’une semaine dans leur jardin cinq étoiles. L’amitié partagée a été d’une grande intensité. Huit jours de franche rigolade, doublé d’une superbe bonne entente a retardé le départ, si bien qu’il a fallu par la suite accélérer le rythme et pousser un peu plus sur les pédales. Au programme entre autre, une sortie dans des bains thermaux à 42 degrés, creusés à même la roche, un soir de pleine lune. Magique ! Olivier, c’est grand tout ce que tu nous a donné. On t’attend pour du ski « freestyle » mais… en Valais, tabernacle!
Une véritable chaîne de solidarité s’est mise en route lorsqu’à Quesnel nous faisons la rencontre de Jacky et John, avec lequel nous roulerons le temps d’une journée (prise sur son temps de travail). Ils ont fait en sorte que lors de nos fins d’étapes, il y ait eu chaque soir un toit où dormir au chaud et souvent le couvert : Dave et son épouse, Hanck et Julie, les vrais cowboys, Katie de Williams Lake, John l’instituteur à 150 Milles House. Toutes ces personnes ont su nous ouvrir non seulement leur porte, mais aussi leur bras pour un partage ainsi que des Belles démonstrations de générosité. Les échanges engagés touchent souvent à des questions brûlantes tel que la religion, la politique, l’immigration… En tant qu’hôte, il est parfois difficile d’aller à contre-courant des idées avancées. C’est donc par la suite, que les « conversations » entamées avec ces personnes prennent entre nous trois la forme de vifs débats où les idées s’entrechoquent et les arguments fusent. Mais ces joutes verbales demeurent au final fort constructives. On les a d’ailleurs baptisées « Emission Infrarouge » avec parfois Paula dans le rôle de Romaine Jean, tantôt temporisant, tantôt alimentant la discussion. Au lendemain de ces soirées à refaire le monde, on se prend à rêver que celui-ci puisse mieux se porter…
… néanmoins, comment ne pas parler de l’émission Infrarouge consacrée à Whistler, sorte de Disneyland de la montagne avec son village de poupées, le tout baigné dans un luxe indécent à l’audace excessive : yachts privés, hydravions, golfs, palaces cinq étoiles, châteaux-chalets, véhicules hors catégories, etc… Tout est trop « parfait » et lisse dans ce ghetto à ultra-riches pour pouvoir se raccrocher à une réalité tangible et en phase avec le quotidien de la plupart des gens. Le tableau comporte quand même de belles couleurs puisque c’est à cet endroit précis qu’auront lieu certaines disciplines des Jeux Olympiques et Para-Olympique d’hiver 2010. Mais il y a surtout eu Marc, travailleur dans un grand restaurant de la station, qui a fait don de ses pourboires (son salaire donc!) pour soutenir l’association Muco-Velo.
Comme promis lors de la précédente news et bien parlons-en de l’association, puisqu’on y est. L’incroyable montant de la somme récoltée à ce jour par Muco-Vélo s’élève à CHF 31’950.-. C’est énorme, quel immense encouragement vous nous offrez là!!! Vous êtes formidables!!! Et à quelques jours de débuter la seconde étape, cette nouvelle dope les troupes. Cet argent, est-il encore nécessaire de le répéter, sera intégralement versé aux associations (dont le Groupement Valais Romand de Mucoviscidose) qui sont les chevilles ouvrières essentielles de l’aide direct au patient. Nous pensons que ce n’est qu’un « début », certes remarquable, cependant il est possible d’aller plus loin, encore plus haut. Il n’y a pas de petite somme qui ne fasse la différence, chaque versement permet au combat contre la maladie de se poursuivre. Et chaque geste signifie l’espoir et justement, la mucoviscidose c’est aussi :
L’Espoir
Comme nous avons notre propre rythme de cyclo-TOURISTE, il serait intéressant de vous parler d’Urs! (on ne parle pas ici de la bête, quoique… ne dit-on pas fort comme un ours?). Les 10’000 km qu’il a parcourus en quatre mois sur les routes de Russie mérite bien quelques félicitations. D’autant plus que du haut de ses cinquante ans, il décide du jour au lendemain d’écouter sa petite voix intérieure qui le pousse à se lancer sur les routes. La meilleure façon de l’encourager serait d’aller « voyager » sur son site : www.getjealous.com/ulrich. Ce cyclo-globe-trotteur (accrochez-vous les matheux, ça devient complexe) divisera sa moyenne de kilomètres quotidienne par trois pour partager deux jours de vélo à quatre sur la Highway 99. Résultat : pas besoin de se lancer dans de savantes équations, le nombre de bons moments passés ensemble est incalculable. Bonne route Urs
Chambre 8009, patient No 0220501116, voici la nouvelle identité sociale de Michel pour son hospitalisation de deux semaines. Logé au 8ème étage de l’hôpital St-Paul de Vancouver, la vision lointaine sur la ville aspire à un premier bilan. Les résultats des tests seront-ils bons ? La maladie demeure-t-elle stable ? Pourquoi un autre malade du même étage atteint lui aussi par la mucoviscidose se trouve-t-il dans une chaise roulante par manque de souffle ? Autant de question qu’il ne faut pas esquiver, la réalité est ce qu’elle est et la maladie est présente. Quoiqu’il en soit, Michel profite de bien se reposer et se soigner (puisque c’est le but) et ce sous le regard bienveillant du corps médical. La désormais traditionnelle venue de Vincent pour sa visite quotidienne se situe aux alentours des 12h30, 13h30… Pas de stress après tout, c’est les « vacances »… Angel, la perle valaisanne de Vancouver, chez qui nous ne devions rester que le temps de se réorganiser, s’est proposée d’héberger Vincent pour la durée du séjour. La soirée raclette partagée chez elle a nourri le corps autant que le Cœur.
La dynamique des trois joyeux lurons que nous avons formés était marquée par une forte complicité, beaucoup d’humour, de rire et c’est avec le cœur lourd et la gorge serrée que nous te voyons, Paula, retourner en Suisse par ton vol BA0086, d’autant plus pour Michel pour qui l’intimité a été vécue de manière très intense.
Selon La Rochefoucauld, « L’absence diminue les médiocres passions et augmente les grandes comme le vent éteint les bougies et allume le feu ». Cette tranche de route à pédaler côte à côte ainsi que ce mois et demi partagé à deux restent indescriptibles. Pourquoi vouloir les qualifier d’ailleurs puisque certains bonheurs ne peuvent être décris au risque d’en altérer leur saveur et leur intensité? Il faut les saisir et les vivre pleinement, c’est tout! J’espère simplement un jour pouvoir t’offrir autant que cette liberté reçue de ta part comme une évidence. Merci Paula, à quand nos prochaines retrouvailles? Mexique? Dans ce cas, n’oublie pas ta paire de sandales et la crème solaire ! Mon cœur t’attend.
Avant cela, il faut y aller au Mexique et pour cela, nous comptons quitter Vancouver mi-octobre, juste au début de la saison pluvieuse. Le risque d’aquaplaning reste peu probable puisque ça va rouler « sec » sur la côte Ouest des USA ! En tant qu’envoyés spéciaux pour la couverture des élections présidentielles du 4 novembre prochain, une édition spéciale « Infrarouge » y sera consacrée, on l’espère. Restez connecter donc!
Et en extra, rien que pour vous, un site de référence sur le voyage à vélo avec des photos extras : http://nomadno.over-blog.com/. Les photos et vidéos de notre parcours jusqu’à Vancouver se trouvent ici.
Bon début d’automne à vous toutes et tous et à très bientôt,
Paula, Michel et Vincent
0 commentaires