1er juillet, le Canada tout entier s’est donné rendez-vous pour la fête nationale. Cela n’exclut pas la ville de Whithorse, elle aussi en ébullition. Chars, parades officielles, confettis, fanfare, tout semble avoir été prévu pour divertir le peuple. Était-ce un geste particulier de l’agent de sécurité en raison de cet Happy Canada Day de fermer les yeux (et du coup les nôtres…) sur cette infraction prise très au sérieux en nous laissant terminer la nuit dans le jardin impeccable de l’administration du gouvernement de l’état du Yukon? Nous n’en saurons rien mais reste que sa lampe de poche pointée en plein visage et son interrogatoire intrusif à 3h du mat’ sont eux suffisamment clairs: la nuit prochaine, il faudra trouver un nouveau domicile “non-fixe“. Nous apprendrons le lendemain que deux semaines auparavant une femme a été retrouvée morte quelques rues non loin d’ici. Ceci expliquant peut-être cela…
La forêt nous manque autant que la wildlife. Un peu déboussolés par les décors de bétons et par le parc automobile étouffant, l’activité urbaine nous insécurise. Quel comble!
A Tok, village de transit juste avant la frontière, une expérience singulière nous fait découvrir l’arrière de la scène. Roach’s, dit le cafard, est un auto-stoppeur-voyageur d’une vingtaine d’années qui a décidé de faire de son existence une rupture continuelle. Après avoir sympathisés, il décide de nous initier à la pratique du “dumpster diving ou freeganisme”. Pratique assez répandue pour ceux revendiquant une vie en marge de la société, hors des glissières de sécurités. Celle-ci consiste à plonger dans les containers et les poubelles des supermarchés à la recherche d’aliments périmés mais comestibles pour s’en nourrir. Nous sommes suffisamment curieux pour tenter l’expérience et au-delà de nos a priori, nous nous y jetons. Amusés de se voir jongler avec les détritus, nous sommes néanmoins affolés de trouver tant de produits consommables dans les restes de nos sociétés. Nous ne regrettons pas cette “première” qui confirme un besoin radical de changement de mentalité face à notre mode de production et de consommation. Ses récits et photos sur ces aventures en tout genre sortent de l’ordinaire: http://roachpics.shutterfly.com/action/
Une fois les mains bien lavées et la frontière traversée, c’est le slogan “Yukon: Larger than life” qui nous accueille sur ses terres. Le vent s’invite par la même occasion à cette rencontre. Habitués depuis quelques jours de l’avoir de face, nous jubilons lorsque certains jours, il nous porte et que nous voyons s’afficher au compteur un glorieux 25/30km. Soudainement la frustration d’avoir eu à pédaler dans les descentes s’efface. Eole souffle le long du superbe lac de Kluane tel un ventilateur sur nos certitudes. Plus le moral baisse face a cet adversaire inégal plus nous nous arc-boutons, bien cramponnés au guidon: Ça paie, le col que nous nous étions fixé sera franchi en soirée.
Souvent spectateurs privilégiés des bords de routes, c’est avec émerveillement, un peu comme au travers d’une loupe, que les évènements prennent un relief particulier. Le 26 juin, peu avant midi, la route montre son côté sombre. La voiture, en pleine courbe, juste sous nos yeux incrédules perd le contrôle, s’envolent dans les airs puis après quelques tonneaux s’immobilise en contrebas du talus. Persuadés de n’y retrouver aucune vie vue la violence et l’état du véhicule, la personne est pourtant bien là, inconsciente mais vivante!! 30 minutes plus tard, c’est les secours professionnels, quand à eux, qui la prennent en charge. La Vie aura été plus forte mais dans nos têtes les images repassent en boucle. A ce moment là, tout est secondaire, la santé et la vie seule comptent. Une sorte de réveil qui te rappelle à l’ordre et qui permet de se souvenir que la Vie est tout! Savourons-la intensément maintenant!
La maladie de Michel, troisième personnage de cette échappée, un peu comme un fantôme, montre parfois son vrai visage au travers d’une toux un peu plus prononcée. Quinze jours d’antibiotiques auront su calmer l’exacerbation de la maladie. Quand aux soins quotidiens, Michel est d’une compliance sans égale, pour autant qu’il y ait du “jus” ; comprenez de l’électricité pour l’appareil de physio. Pas franchement toujours facile d’avoir les batteries rechargées. Pourtant ce trio indissociable avance peut-être doucement (aux dires et aux yeux de certains cyclotouristes chevronnés) mais de façon certaine. D’ailleurs, les 2’000 premiers kilomètres viennent d’être franchis. Décidés de fêter cet événement en avance, nous prenons à titre d’alibi l’anniversaire de Michel. Au programme : pâtes, eau, camping et douche gratos, rencontres et un jour de repos pour marquer deux coups en un !
Malgré un tourisme en baisse et une économie ralentie, entre autre dus à l’augmentation drastique du prix du gallon d’essence, beaucoup de rencontres jalonnent notre quotidien. Ne dit-on pas que le monde est petit? Parfois il s’agit même d’un mouchoir de poche.
– D’ou viens-tu?
– Suisse…
– A oui, nous aussi…
– Du Valais !
– Ouwahhh incroyable!!
– Tu rigoles, de Haute-Nendaz…
– Trop barge! Et le blanc alors?
– Ça viendra, Christophe mets déjà la bouteille au frais, on s’occupe de la fondue. 2010 ou 2011? En attendant, bonne route sur ton vélo vers Inuvik !
Pas une journée ne s’écoule sans qu’une personne, au moins, ne nous mettent en garde contre les ours: “a lot of bears in this area, be very careful” ou “attention 2 miles plus loin il y a un grizzly”. Une fois même la personne a tenu à nous accompagner sur quelques kilomètres tellement la menace des ours semblait présente. Après plusieurs jours sans douche les vélos ne sembleraient pas être un plat très raffiné mais nos odeurs oui…. Fidèles représentantes des efforts fournis et des distances parcourues sur l’ALCAN Highway… Les moustiques eux adorent et se régalent.
« Nos heures de bureaux » sont désormais assez bien établies bien que restant flexibles et à la carte: levés entre 9h et 9h30. Et oui, l’effort sportif nécessite un repos de quantité et de qualité… La journée ne saurait débuter pleinement sans un solide petit déj’ (vive le lait en poudre!). S’en suivent une trentaine de kilomètres, le temps et la distance de bien se mettre en appétit. Pour la pause de midi, compter 2h-2h30, vaisselle et digestion comprises. De retour en selle, la journée s’achève une trentaine de kilomètres plus loin avec parfois, luxe suprême, un chocolat accompagné d’une boisson bien chargée en sucre. Souper, physio, lecture, debriefing et musique complète l’agenda “lourdement” chargé de cette vie nomade. Celle-ci est passionnante, rien ne saurait égaler ni remplacer l’immense satisfaction de se sentir VIVRE.
En lien ci-dessous quelques tranches de voyage piquées au gré des rencontres. A savourer sans modérations:
http://www.hikerbiker.org
http://www.unicyclist.com/forums/showthread.php?t=70267
http://youtube.com/kennyjkim
http://www.jumpcut.com/leycedric
http://magelane.skyrock.com/
http://goliath.mail2web.com
D’ici quelques jours, une fois nos réserves glycogéniques à nouveau au top, nous nous mesurerons à la Cassiar Stewart Highway, un itinéraire, nous a-t-on dit, des plus grandioses à travers lacs et montagnes. Prochaine ville-repos : Prince George en Colombie-Britannique à 1900 km d’ici.
Très belle suite à vous toutes et tous ! Que l’été soit le plus ensoleillé possible.
Quelques photos et vidéos vous attendent sur le site.
A très bientôt.
Michel et Vincent
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