Immersion

Mai 24, 2008 | america

Hi from Alaska !

Par où commencer, tellement ces 24 premiers jours ont été mouvementés, intenses et riches ? Tout simplement par là où nous sommes restés dans la news précédente, c’est-à-dire à Prudhoe Bay, ville à l’extrême nord de l’Alaska.

Après huit jours d’attente dans l’espoir de voir apparaitre une amélioration météorologique improbable, les vents n’avaient pas cessé de souffler à plus de 60 km/h, faisant osciller les températures entre -15°C et -20°C degrés. La fameuse « Dalton Highway », pourtant rompue à ce type de météo, était impraticable (la route a été fermée plusieurs heures aux véhicules et même aux camions. Et quels camions !)

A grands regrets et après avoir passé en revue toutes les options, nous nous sommes résignés à envisager un transport en camion. Quelle douloureuse réalité. Peu à peu, l’acceptation a fait du chemin dans nos têtes. La chance de nous arracher de cette plaine arctique s’est donc présentée à nous sous la forme d’un sympathique « trucker ». Une fois le rendez-vous pris pour le surlendemain, Floyd et son gigantesque « poids-ultra-lourd » nous ont déposés ainsi que la centaine de kilos d’équipement à 60 miles (90 km) à l’intérieur des terres. Merci Floyd!

Pour cette première journée, le climat était fort accueillant et enchanteur par rapport à la rudesse connue quelques heures plus tôt. ENFIN les premiers coups de pédales ont pu être donnés ! Quel bonheur d’avoir pu rouler cet après-midi-là dans un paysage à couper le souffle (qui l’était d’ailleurs dès nos premières côtes). Le fin ruban d’asphalte commençait à se dérouler dans cette immensité blanche, le tout dans un silence assourdissant.

Tout s’est rapidement gâté en fin de journée lorsque Vincent s’est rendu compte qu’il n’avait plus sur lui sa sacoche en bandoulière contenant : une coquette somme en dollars, les papiers d’identités, le visa pour les USA, le passeport, les cartes bancaires, etc. Tout quoi ! Sans preuve d’identité et sans moyen de communication sur les 360 prochains kilomètres, le tableau pourtant si beau quelques heures auparavant s’est soudainement obscurci (tout comme la météo des jours suivants, mais ça nous l’ignorions encore…).

Que faire ? Comment réagir ? Une fois la surprise accusée, nous avons laissé nos vélos derrière une butte pour la nuit et après une heure et demie de stop sur cette route déserte, nous sommes remontés à Prudhoe Bay, bien décidés de remettre la main sur cet indispensable sésame. Une nuit blanche et quelques coups de fils plus tard, un nouveau « trucker » nous a ramenés à nos vélos. Malheureusement, impossible de retrouver ce précieux bien. Acceptant l’idée de rayer définitivement cette sacoche de nos affaires, l’objectif était désormais d’atteindre Coldfoot, à plusieurs centaines de kilomètres.

Fatigués suite à l’absence d’une nuit de repos, nous avons tout de même réussi, en cette nouvelle journée, à rouler 55 km avec un froid mordant. La route pour y parvenir n’a pas été évidente. Elle nous a marqués par ses difficultés. Encore une fois, d’épais nuages plombaient le ciel et le froid mordait nos corps endoloris. Par un -8°C / -10°C, les huit couches d’habits de Michel n’y changeaient rien. Si bien que parfois, il a fallu redonner vie aux orteils et aux phalanges, dans une casserole contenant de l’eau chauffée avec le système à gaz (plutôt destiné à la nourriture…). Seul moyen de lutter contre cet adversaire insidieux qu’est le froid alaskien.

Jour après jours, kilomètres après kilomètres, nous sommes parvenus à Coldfoot, où seul un resto et une pompe à essence nous attendaient. Et là, quelle surprise !! Floyd, le chauffeur, sort du café-restaurant et nous annonce qu’il a retrouvé notre sacoche, perdue cinq jours plus tôt dans la cabine de son truck. Dans cette immensité, la probabilité de le rencontrer à cet endroit et à ce moment tient du miracle. Quelques inquiétudes et deux jours d’attente plus tard, le temps que la sacoche restée au dépôt à Fairbanks à 500 km de là nous parvienne et c’est l’explosion de joie! Tout y est, jusqu’au dernier « cents ». Merci Floyd !

Le moral à nouveau au top, douchés et plus ou moins reposés, nous nous élançons à nouveau pour poursuivre ce bout de route septentrional. Au fur et à mesure de l’avancement, le temps se radoucit, laissant place à de belles journées ensoleillées, ponctuées de quelques pluies. Les nuits, qui n’en sont pas (24 heures de luminosité !), restent fraiches, mais sans commune mesure avec les premières. Le contraste est saisissant : le blanc de l’immensité du North Slopes fait peu à peu place aux forêts. Une fois le col de l’Atigun franchi, les arbres font à nouveau leur apparition. Caribous, élans, castors, animaux aux sons inconnus et autres étranges spécimens aux formes incongrus jalonnent la route pour le plus grand plaisir des sens. Un ours, vraisemblablement plus effrayé que ces deux êtres barbus sur leur bicyclette, s’est piqué de curiosité avant de s’en retourner dans les bois.

La Dalton Highway est la seule route qui relie Prudhoe Bay à Fairbanks sur 840 km. Dès ses débuts, nous savions qu’elle serait éprouvante : non goudronnée sur le 9/10 du tronçon, aucun magasin, aucune station-essence ni habitation. Il n’existe en fait que deux arrêts pour se restaurer sans pouvoir pour autant se ravitailler en nourriture. Elle s’est rapidement vue attribuée dès sa mise en fonction le surnom de « The Kamikaze Trail », la route kamikaze. A notre façon, nous avons pu saisir tout le sens de ce diminutif. En effet, un jour à midi, alors que tout se déroulait parfaitement et que rien ne laissait présager un tel évènement, l’impensable sur cette route pourtant relativement déserte s’est produit: l’Accident ! Lors d’une belle descente, Vincent, lancé à pleine allure, observait avec curiosité la dynamique de sa roue. Il n’a à peine eu le temps de lever les yeux qu’il s’est encastré violemment dans le vélo de Michel, arrêté quant à lui pour vérifier la tenue d’une saccoche. Vol plané de quelques mètres par-dessus Michel, adrénaline circulant en quantité dans le système sanguin, nous sondons les dégâts. Vincent, chance incroyable s’en sort avec une cheville amochée, des égratignures et un post-choc… Le vélo quant à lui témoigne de la violence de l’impact. Le cadre est touché : fendu en deux endroits, mais pas totalement cassé. Une ingénieuse pseudo-réparation fera tenir ce qui peut l’être encore sur un peu moins de 100 km.

Au matin du 21 mai, dernier jour de route, à moins de 54 km de la deuxième plus grande ville d’Alaska, le cadre, dans un ultime crissement, se rompt définitivement en deux ! Il n’y a plus rien à faire pour lui, si ce n’est rejoindre au plus vite Fairbanks, espérant trouver un nouveau cadre. Attendant au bord de la route, c’est un 4×4 (il n’y a que ça ici !) qui nous y dépose devant un magasin de sport avec tout le chargement.

Comme pour compliquer l’histoire, les standards d’ici ne sont pas les mêmes qu’en Europe. Face à cette nouvelle difficulté, nous n’avons pas encore trouvé la solution définitive. Nous envisageons à l’heure actuelle de nous faire envoyer un nouveau cadre depuis la Suisse. Combien de temps cela va-t-il prendre? Et à quels prix ? Impossible à le dire. Mais une fois que tout sera rentré dans l’ordre, nous sommes bien déterminés à remonter pour terminer ce dernier tronçon de 54 km sur cette route qui nous a beaucoup pris, mais encore plus donné à sa façon.

Quelques photos et vidéos ont été mises en ligne sur le site. MERCI infiniment pour toutes vos marques de soutien et d’encouragement, de patience…Ici, les distances sont telles que l’accès à Internet n’est assuré que dans les grandes villes.

A très bientôt, vraisemblablement à Whitehorse, au Canada.

Michel et Vincent

PS : Une pensée toute particulière à Marc qui, l’année dernière, a fait cette route ardue (entre autre) dans son intégralité. A sa façon, il nous a, d’une certaine manière, ouvert la voie. Bravo!

PS : Quantité de pensées s’envolent pour tous les routards, inconnus, amis d’un instant et anonymes pour leur aide, offerte de leur part comme une évidence (un merci particulier à toute la troupe de Carlile). De l’eau, des sourires, des échanges, de la nourriture (thanks Mike !), un petit abri pour la nuit, le partage, les rencontres, des infos sur le trajet à venir, un café chaud : la SOLIDARITE. Merci !

0 commentaires

CA POURRRAIT AUSSI VOUS INTÉRESSER

TIRÉ DU BLOG

Toucher le ciel

Toucher le ciel

Voici quelques photos de Michel au sommet de l'Aconcagua. Derrière son sourire il y a eu apparemment beaucoup de souffrance et d'abnégation. Il nous en dira plus une fois rentré.

Il l’a fait !

Il l’a fait !

Le GPS est formel : Michel était tout à l'heure (14h41 heure locale) au sommet de l'Aconcagua 6960m au dessus du niveau de la mer. On se réjouit de voir les images et de lire des anecdotes sur cet expérience hors du commun : être le premier double transplanté des...